Événements scientifiques

Invitation

Dialogue avec Paul CLAVAL autour de l’approche culturelle
en géographie
Le cours « La construction de l’approche culturelle depuis l’École française de géographie » dispensé par Paul CLAVAL sera suivi d’une présentation et discussion de son ouvrage: Itinéraires et Rencontres. La découverte de l’altérité, Paris, Sérendip’éditions (2022).

Samedi 28 janvier 2023
14h30 – 17h30
Institut de Géographie
191, rue Saint-Jacques
75005 Paris
Grand Amphithéâtre
Organisation Edith FAGNONI / Sylvain ALLEMAND
Réponse souhaitée avant le 24 janvier :
edith.fagnoni@sorbonne-universite.fr

Paul Claval

Professeur émérite à Sorbonne-Université, Paul Claval a consacré ses recherches à différents aspects de la géographie (économique, sociale, régionale, urbaine), en a développé l’approche culturelle, et s’est penché sur l’histoire et les problèmes épistémologiques que soulève cette discipline.
Né le 23 mai 1932 à Meudon, Paul Claval agrégé de géographie formé à Toulouse, est nommé à l’Université de Franche-Comté, à Besançon, comme Assistant en 1960 puis promu Chargé d’enseignement en 1965. Après sa soutenance de doctorat d’état sur travaux en 1970, sous la direction de Michel Chevalier, il devient Professeur en 1972 à l’Université de Paris-Nord, à Villetaneuse, puis poursuit sa carrière à l’Université Paris-Sorbonne (Paris-IV) de 1973 à 1998 en occupant la chaire de géographie humaine et économique.
Paul Claval est passionné par la géographie depuis son enfance car elle l’invite à découvrir le monde, la variété de ses paysages et des sociétés qui le peuplent. Celle qui lui est enseignée lors de ses études à Toulouse établit des typologies variées qui rendent difficilement compte des logiques à l’oeuvre parce qu’elle manque d’outils adaptés pour analyser les mutations en cours. Dès lors, Paul Claval s’engage dans une réflexion théorique pour repenser la géographie humaine et les champs qui la composent en particulier la géographie économique, politique et culturelle afin de mieux comprendre les dynamiques du monde actuel.
Repenser la géographie économique et la géographie humaine
Paul Claval découvre en 1957, à la lecture d’ouvrages d’économie spatiale, qu’il est possible de repenser la géographie économique en partant de l’analyse du circuit économique. Il y consacre ses premiers travaux pendant une quinzaine d’années, tout en nourrissant un intérêt pour l’histoire et l’épistémologie de la discipline.
Au cours des années 1960, il réalise qu’il est envisageable de donner plus de cohérence à l’ensemble de la géographie humaine comme à ses composantes sociale, politique ou urbaine en ajoutant à l’analyse des relations des hommes à l’environnement celle de la circulation, jusque-là largement négligée : la distance pèse sur l’institutionnalisation et le fonctionnement des sociétés. C’est à cela qu’il se consacre durant les années 1970, ainsi qu’à la construction de la nouvelle géographie venue d’Amérique du Nord, en s’inscrivant dans l’approche néo-positiviste et fonctionnaliste qui domine alors les sciences sociales.

Adopter une approche culturelle pour approfondir la géographie humaine
Afin de donner davantage de profondeur aux études de géographie humaine, Paul Claval comprend à partir de 1966 la nécessité de mieux prendre en compte la dimension culturelle des réalités sociales. Les travaux de Jean Brunhes et Pierre Deffontaines en France, Carl Sauer aux États-Unis ou Eduard Hahn en Allemagne, qui se sont attachés à la diversité culturelle de la Terre, sont passionnants mais leur souci d’objectivité leur interdit (sauf chez Hahn) de prendre en compte les représentations, ce qui limite la portée de leurs recherches. La géographie classique ne traite que des expressions matérielles de la culture : outils, artefacts et paysages. Un élargissement des curiosités est sensible dans les travaux de Pierre Gourou sur les techniques sociales, ceux de Xavier de Planhol sur la géographie de l’Islam ou ceux de David Sopher sur la géographie religieuse, mais un verrou subsiste qu’il faut dépasser.
L’actualité de la fin des années 1970 interpelle Paul Claval qui le pousse à s’intéresser au développement d’idéologies en Occident qui viennent s’ajouter et se substituer en partie aux religions révélées : une forme laïcisée de croyances se dessine ainsi à la Renaissance et s’affirme au XVIIe siècle. S’il aborde dans un premier temps la culture à travers son expression dans les artefacts et les paysages, c’est surtout la rencontre avec David Sopher et le groupe de géographes façonnant, autour de lui, la New Cultural Geography américaine qui sera décisive. Paul Claval estime que la culture ne constitue pas un compartiment parmi d’autres de la réalité sociale : elle informe la totalité des comportements humains. C’est pour cela qu’il propose de substituer à l’approche fonctionnaliste dominante une approche culturelle. Ainsi, la restructuration de la géographie humaine se poursuit en ajoutant l’idée que l’homme est un être de culture, et que celle-ci conditionne tous ses comportements, mais aussi l’organisation de la société et de l’espace modelée par ses représentations.
Élaborer un programme
Après avoir multiplié les lectures dans le domaine culturel, ce n’est qu’à partir du milieu des années 1980 que son programme d’actions commence à se préciser et se structurer. Tout d’abord, la création d’un laboratoire, baptisé « Espace et Culture », permet de canaliser un courant de recherche correspondant à l’une des spécialités de l’UFR de Géographie de l’Université Paris-Sorbonne (Paris-IV), forgeant ainsi son identité scientifique. Ouvert à tous les travaux prenant en compte la dimension culturelle des faits géographiques, le laboratoire lance la revue « Géographie et cultures », en 1992, pour élargir son rayonnement.
Puis, il convient de structurer cette nouvelle approche d’un point de vue théorique et conceptuel, en publiant un ouvrage en 1995, La Géographie culturelle, qui traite de la manière d’embrasser la totalité de la géographie sous l’angle culturel. La sortie de cet ouvrage participe au tournant culturel de la discipline amorcé dans les années 1990 à la suite des critiques post-modernes marquant les sciences sociales et provoquant un développement fulgurant des études culturelles.
Cet ouvrage insiste sur la construction de l’homme à travers la culture, et plus généralement, sur le fait que la géographie humaine traite d’une réalité objectivement observable, et socialement instituée. En 2020, il publie un nouvel ouvrage L’Approche culturelle, dans lequel il complète sa pensée par une analyse détaillée de la dimension spatiale des processus culturels, de ceux qui tiennent à la transmission des pratiques, des savoirs, des croyances ou des symboles comme de ceux qui naissent de la quête de l’identité et de la distinction, ou de la recherche de la reconnaissance.
Bilan : approche culturelle et post-structuralisme
La prise en compte de la culture conduit à s’attacher davantage à la dimension symbolique des faits humains. Elle fait participer la géographie au grand mouvement de remise en cause qui caractérise les sciences de l’homme depuis une génération : tournant linguistique des sciences humaines, tournant spatial des approches sociales, rapprochement avec les humanités, attention plus grande accordée à la diversité des hommes, au rôle des femmes, à la place des enfants, au sort réservé aux personnes âgées. Le tournant culturel permet à la géographie de participer à la réflexion actuelle sur la signification du monde que fait naître la globalisation.
Une autre lecture de ces évolutions existe et s’appuie sur le post-structuralisme qui en complète l’interprétation. Si l’approche culturelle refuse de voir le fondement universel de la servitude des hommes, le post-structuralisme place les formes de domination diffuse au coeur de son analyse des faits sociaux.
En géographie l’accent est mis sur la sémiologie de l’espace, ainsi que la dimension symbolique et discursive des territoires et des groupes (nations, ethnies, communautés), qui débouche sur le rapport société et culture.
Auteur prolifique d’ouvrages et d’articles sur des thèmes variés, Paul Claval est un éminent spécialiste d’épistémologie et d’histoire de la pensée géographique, de géographie culturelle, de géographie économique et de géopolitique.
Reconnu internationalement, Paul Claval s’est vu décerner, en 1996, le prix Vautrin Lud, considéré comme le « Prix Nobel de Géographie ».
En 2021, Paul Claval a été lauréat du premier Prix d’honneur créé et décerné conjointement par le CNFG et l’AGF, le « Prix d’honneur de géographie Emmanuel de Martonne CNFG – AGF » distinguant une figure vivante de la géographie française, appartenant à la génération d’expérience et ayant contribué à son développement et son rayonnement.
Ce prestigieux Prix d’honneur a été baptisé du nom du grand géographe Emmanuel de Martonne (1873-1955) qui a joué un rôle important au sein des deux associations « soeurs » fondées en 1920.
Les travaux de recherche de Paul CLAVAL, reconnus et primés, ont largement contribué et continuent à contribuer au développement et au renouvellement de la géographie.

Extrait du Bulletin de l’Association de Géographes Français (BAGF), numéro 2/2021,
« Prix d’honneur de géographie Emmanuel de Martonne, CNFG-AGF : Paul Claval, premier lauréat ».