
– PROGRAMME –
9h00-9h30 : Accueil café dans le hall de l’Institut de Géographie
9h30-9h45 : Introduction à la séance thématique : « Les reliefs artificiels et artialisés : un patrimoine anthropo-géomorphologique ? »
François BÉTARD (Professeur de géographie, Sorbonne Université, UR Médiations : sciences des lieux, sciences des liens), Claire PORTAL (Maître de Conférences en géographie, Université de Poitiers, Laboratoire MIMMOC – UR 15072), Théophile PIAU (Docteur en géographie, Université Paris Cité, UMR 8586 PRODIG).
9h45-10h10 : Emmanuel REYNARD (Professeur de géographie, Université de Lausanne, Institut de Géographie et Durabilité et Centre interdisciplinaire de recherche sur la montagne) : « Les reliefs produits par l’agriculture : typologie, évolution et enjeux de gestion »
Résumé :
La genèse des formes du relief et leur évolution dans le temps découlent de la conjonction de trois groupes de facteurs et agents morphogénétiques : les facteurs structuraux, les facteurs liés à la géodynamique externe (climat et gravité) et les facteurs anthropiques. Ainsi, les humains peuvent être considérés comme des agents morphogénétiques au même titre que l’eau, les glaciers ou les éruptions volcaniques. Bien que les définitions largement admises de la géodiversité (p.ex. Gray, 2013) ne considèrent pas explicitement les éléments terrestres produits par les humains comme une sous-catégorie de la géodiversité, les formes d’origine anthropique sont de fait considérées comme faisant partie de la géodiversité géomorphologique, l’Homme étant un agent morphogénétique parmi d’autres. Des formes ou des reliefs d’origine anthropique pourront ainsi être considérés comme des géopatrimoines, au même titre que les formes et reliefs découlant de processus essentiellement naturels. Par ailleurs, dans une perspective de géomorphologie culturelle (Panizza et Piacente, 2003), les sites qui combinent un patrimoine géo(morpho)logique et des éléments patrimoniaux anthropiques culturels (bâti, vestiges archéologiques, etc.) sont considérés comme des sites géoculturels (Reynard et Giusti, 2025). Enfin, sous l’angle du paysage, les reliefs d’origine anthropique entrent dans la catégorie des paysages culturels (UNESCO, 2008), résultant de l’action conjointe de la nature et des sociétés humaines.
Depuis le Néolithique, l’agriculture est une activité qui, par les défrichements, les labours, le développement de pratiques culturales variées, mais aussi, parfois, la création de formes du relief particulières, a profondément forgé les paysages et influencé leur évolution au cours du temps. Nombreux sont ainsi les paysages agricoles reconnus comme paysages culturels vivants (p.ex. les paysages du café en Colombie, les rizières en terrasses des Hani de Honghe en Chine, ou encore les paysages viticoles du Haut-Douro (Portugal), de la Wachau (Autriche), des Cinque Terre (Italie) ou de Lavaux (Suisse).
Nombre de ces paysages agricoles peuvent également être considérés comme des reliefs (partiellement ou totalement) artificialisés et peuvent de ce fait émarger à ce que l’on pourrait appeler « géopatrimoine anthropique » ou « patrimoine anthropo-géomorphologique » (Bétard et al., 2025) ou, pour paraphraser la terminologie proposée par M. Panizza (2001), des « anthropo-géomorphosites ». Certains de ces reliefs artificialisés interagissent fortement avec des patrimoines culturels sensu stricto et sont à considérer comme des sites ou des patrimoines géoculturels.
Cette communication propose une réflexion sur la valeur (et la classification) patrimoniale des reliefs artificialisés par les pratiques agricoles. Il propose d’abord une typologie des modifications du relief par l’agriculture basée sur les critères de la lutte contre la pente, des apports en eau et de l’amélioration des techniques culturales. Il discute ensuite du caractère géopatrimonial de ces reliefs artificiels : les formes repérées sont-elles à qualifier d’anthropo-géomorphosites ou plutôt de sites géoculturels ? quant aux paysages géomorphologiques (Reynard, 2005 ; Bussard et al., 2023) fortement modelés par l’agriculture, forment-ils des paysages culturels vivants (UNESCO, 2008) ou certains d’entre eux peuvent-ils être considérés comme des « paysages anthropo-gémorphologiques » ? Sur cette base, une réflexion sur les enjeux de gestion de ces reliefs sera amorcée.
10h10-10h35 : Alain MARRE (Professeur honoraire, Université de Reims Champagne-Ardenne) : « Les modifications du relief dans le vignoble champenois et leurs conséquences géomorphologiques et économiques »
Résumé :
Dans le vignoble champenois comme dans tous les vignobles de qualité, les règles d’exploitation sont organisées autour du concept de terroir qui est un véritable géosystème et du cahier des charges de l’appellation contrôlée. Dans ces deux registres se croisent des facteurs naturels et des facteurs humains dans lesquels la tradition historique tient une grande place. C’est dans les limites de ces deux principes que les vignerons exécutent leur travail. Cependant, ce travail est aussi dépendant des possibilités qu’offrent les progrès technologiques et des préoccupations économiques.
À partir des années 1970, la demande en vin de Champagne a augmenté ce qui a nécessité de nouvelles plantations. L’aire AOC Champagne recouvre 35.000 ha, mais il restait de nombreuses parcelles classées dans l’appellation encore disponibles. Ce fut notamment le cas sur la Côte des Bar, dans le département de l’Aube. Avant les plantations, on a souvent aménagé les coteaux pour y faciliter la mécanisation de la viticulture. Aujourd’hui, une typologie de géomorphologies anthropiques est facile à réaliser. Elle va de modestes régularisations des pentes jusqu’à de très grands réaménagements de versants. Tous ces travaux ont été faits grâce à des moyens techniques puissants tout en restant dans les limites de la réglementation. Mais n’est-on pas allé trop loin ? Les règles parfois anciennes, sont-elles toujours bien adaptées ?
Les paysages ont été modifiés. Le patrimoine paysager a été dégradé avec la création de grands escarpements rocheux artificiels. Les espaces forestiers ont été amputés. Des processus géomorphologiques naturels ont alors été accélérés ou déclenchés comme l’érosion hydrique profitant de longues pentes régulières et dénudées ou les mouvements de terrain très actifs lors des années pluvieuses. On s’interroge alors sur la réglementation de l’appellation. Est-elle suffisante ? En 2015 le vignoble champenois a été inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Depuis cette date, une recherche de la qualité des paysages est faite en complément de celle de la qualité du vin.
Dans cette communication, après la présentation d’une typologie de ces créations de reliefs anthropiques, on pose la question de leurs conséquences et de la pertinence de la réglementation. On montre également quelques voies de réflexions en cours pour y remédier avec l’ouverture vers de nouveaux moyens tant techniques (un nouveau matériel agricole) que méthodologiques (de nouveaux modes culturaux).
10h35-11h00 : Magali WATTEAUX (Maîtresse de Conférences en en histoire et archéologie médiévales, université Rennes 2, EA Tempora et UMR 7041 ArScAn équipe « Archéologies environnementales ») : « Modelés et formes agraires dans la longue durée : une histoire complexe appréhendée par l’archéogéographie et l’archéologie des paysages »
Résumé :
L’anthropisation des reliefs est un processus majeur qui résulte de la présence même des sociétés humaines sur la Terre et qui connaît une accélération avec l’invention de l’agriculture et, dans une moindre mesure, de la domestication animale. À ce titre les archéologues sont des spécialistes incontournables pour faire l’histoire de ce phénomène. Ce sujet étant très vaste, trop, la communication proposée ambitionne plus modestement de présenter un panorama des recherches sur ce qu’on appelle les « modelés agraires », l’une des composantes des paysages depuis longtemps étudiée par les archéologues, les géographes, écologues, ethnologues et historiens. Il s’agit d’un « géopatrimoine » (Bétard, 2013) en ce qu’ils sont le fruit historique de la valorisation agropastorale des sols, dont on perçoit parfois encore la présence dans les paysages, ou que l’on retrouve à l’état de trace archéologique à l’occasion de fouilles. Les premiers peuvent être protégés, comme on le fait pour le patrimoine bâti, et rejoignent des enjeux contemporains d’aménagement et de restauration paysagère, tandis que les seconds viennent augmenter nos connaissances historiques sur les pratiques agricoles et paysages du passé.
Ces modelés agraires se manifestent sous des aspects très variés et à des échelles différentes (de la haie au microrelief de labour), mais toujours par hybridation des dimensions géographique et anthropique, participant ainsi de la « géodiversité » (ibid.) : terrasses de culture, haies bocagères, champs surélevés, crêtes de labour, rideaux de culture, murets de pierres sèches, etc. La difficulté tient souvent au fait de réussir à les dater, surtout en l’absence de fouilles. Depuis quelques années, des archéologues ont cependant développé des méthodes d’étude et de datation plus attentives, qui inaugurent des découvertes nombreuses (ex. Turner, 2021). Par ailleurs, le nombre et la qualité des documents et données exploitables pour les reconnaître ont grandement augmenté, ce qui suppose une méthodologie de nature « archéogéographique » de compilation et d’articulation (Watteaux, 2014, 2021).
Enfin, la communication souhaite attirer l’attention sur le fait que, pour intéressants qu’ils soient, ces modelés agraires ne peuvent pas être le (seul) fil conducteur d’une recherche sur la construction des paysages car ils habillent, sous une apparente uniformité, des formes planimétriques visibles en plan qui se transmettent dans la longue durée selon des transformations permanentes. Ces « reliefs artificiels » que sont les modelés agraires sont donc à intégrer dans des structures agraires et paysagères qui leur donnent sens, sous peine de ne plus appréhender le paysage que comme la somme de « miettes paysagères » plus ou moins éparpillées, à la merci d’interprétations hasardeuses (on note d’ailleurs le même problème avec le « filtrage » du paysage par l’archéologie préventive). Comme les géographes et historiens l’ont par exemple déjà exprimé il y a longtemps maintenant, « la haie ne fait pas le bocage », formule qui pour lapidaire qu’elle soit, résume bien la juste place que doit avoir ce modelé dans les problématiques d’anthropisation des milieux et de construction des paysages. Ainsi, bien que formes et modelés constituent deux composantes essentielles des paysages agraires, parfois étroitement liées, l’étude de la dynamique des paysages impose de les découpler puis de les réarticuler afin de mieux comprendre la complexité de l’histoire des paysages.
11h00-11h15 : Pause-café dans le hall de l’Institut de Géographie
11h15-11h40 : Éric MASSON (Maître de Conférences en géographie, Université de Lille, ULR 4477 – Territoires, Villes, Environnement et Société) : « Patrimonialisation des reliefs artificiels du Nord : l’exemple du site Chabaud-Latour de Condé-sur-l’Escaut »
Résumé :
En 2012, le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO sous le titre de « paysage culturel évolutif vivant », « œuvre conjuguée de l’homme et de la nature », en raison de sa très forte artificialisation en lien étroit avec l’histoire minière et industrielle de son territoire. Parmi les différents éléments de paysage qui sont inscrits et protégés au titre de l’UNESCO, les terrils, reliefs artificiels, sont les plus emblématiques du territoire minier. Cependant leur patrimonialisation s’inscrit dans un cadre paysager plus large qui inclut également des éléments de patrimoine avec une empreinte topographique (fosses d’extraction, talus ferroviaires), technologique (chevalement) et architecturale (cités minières et autres bâtiments) en lien avec l’activité minière ou industrielle.
Notre contribution s’articulera en trois temps. Le premier sera consacré à la patrimonialisation UNESCO du bassin minier et proposera une évaluation de la place des reliefs artificiels dans l’argumentaire et la valorisation des « paysages culturels ». Pour y parvenir nous nous appuierons sur différents supports de candidature et de communications publiés par la Mission-Bassin-Minier, association lois 1901 en charge de la valorisation du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. Il s’agira de questionner la « valeur emblématique » des reliefs artificiels au regard de son utilisation dans différentes sources documentaires pour promouvoir la patrimonialisation.
Le deuxième temps de cette communication sera consacré aux terrils du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. Il s’appuiera sur un inventaire cartographique issu de plusieurs sources documentaires permettant comprendre la progression historique en cinq générations de ces reliefs artificiels en lien avec la chronologie de l’exploitation du bassin minier. Nous introduirons ensuite une typologie des terrils pour bien comprendre la mise en place des morphotypes (conique, tronqué, asymétrique, tabulaire, monumental, terrasse, moderne, atypique), l’évolution de leur morphologie (en place, remanié, exploité, arrasé) et leur accès au public (usages et paysagement).
Le troisième temps de cette communication se focalisera sur le site de Chabaud-Latour. C’est un site d’importance patrimoniale, historique et géomorphologique, ouvert au public, mais qui ne bénéficie pas d’une forte protection au titre du classement UNESCO. Sa patrimonialisation est donc indirecte et partielle, issue d’un choix défavorable dans la sélection des reliefs artificiels méritant périmètre de protection. Pourtant, son volume et sa localisation dans une très large zone de subsidence post-minière, elle-même inscrite dans le cadre géomorphologique et transfrontalier de la vallée de la Haine, en font un cas d’étude singulier parmi les autres sites de reliefs artificiels du bassin minier.
11h40-12h05 : Stéphane CORDIER (Professeur de géographie, Université de Lorraine, LOTERR-Centre de Recherches en Géographie), Pierric CALENGE (PRAG, Université de Lorraine, LOTERR), Romain FOUCAL (titulaire du Master 2 GAED, Université de Lorraine, LOTERR) : « Étudier la géodiversité dans des territoires industrialisés et urbanisés : géosites et anthropogéosites en Lorraine (NE France) »
Résumé :
La Lorraine centrale est un espace urbanisé, où coexistent des grandes villes historiques ayant aujourd’hui statut de métropole (Metz et Nancy), et des villes (petites ou moyennes) dont le développement est largement lié aux activités industrielles, en particulier à partir du XIXe siècle. Cette industrie, qui continue aujourd’hui à marquer les paysages et les esprits, repose sur la présence de trois grandes matières premières : le fer, le sel et le calcaire.
Si l’extraction minière est abandonnée depuis une trentaine d’années, le minerai de fer (la minette) a été intensivement exploité le long du Sillon Lorrain (entre la région de Nancy et celle de Metz et de Thionville, le long des vallées de la Moselle et de la Meurthe, et jusqu’au Luxembourg). Attestée dès l’Âge du Fer dans la région rurale du Saulnois (partie orientale du bassin salifère lorrain), l’exploitation du sel se poursuit aujourd’hui dans la vallée de la Meurthe en amont de Nancy (partie occidentale du bassin salifère lorrain) où elle alimente notamment des soudières. Enfin des carrières (anciennes ou actuelles) de calcaires sont présentes en de nombreux endroits sur les plateaux des revers de côtes, la roche pouvant être employée à la fois pour la construction, les hauts fourneaux et les soudières.
La présente étude portera essentiellement sur un espace incluant la Métropole du Grand Nancy, et le bassin salifère exploité dans la vallée de la Meurthe et ses abords en amont de Nancy. En dépit de leur proximité (voire même de leur recoupement, avec la présence de salines et de soudières dans le sud-est de la Métropole), ces deux espaces ont connu des trajectoires très différentes en termes de reconnaissance et de valorisation géopatrimoniale : dans le territoire de la Métropole du Grand Nancy, la thématique géopatrimoniale commence à émerger suite aux recherches scientifiques récentes : celles-ci ont débouché sur la reconnaissance et l’évaluation d’une centaine de sites de géodiversité (incluant notamment des sites liés aux mines de fer et aux carrières de calcaire), ouvrant la voie à des premières actions de valorisation de ce patrimoine anthropo-géomorphologique. Ces actions peuvent être replacées dans le contexte d’un territoire déjà réputé pour son patrimoine historique et architectural (Sites UNESCO autour de la Place Stanislas, Ecole de Nancy). Dans le bassin salifère, une valorisation paysagère que l’on peut qualifier de géopatrimoniale a été mise en place depuis plusieurs années, à l’initiative des industriels et des élus locaux. Cette valorisation « in-situ », qui coexiste avec une problématique de risques liée à l’activité minière (mouvements de terrain, pollution) porte sur des paysages façonnés par l’extraction du sel, autour des sites tout aussi emblématiques qu’artificiels de la mine de Varangéville et des « cratères » d’Haraucourt (zone d’effondrements).
Cette communication a ainsi pour but de présenter le patrimoine anthropo-géomorphologique du territoire d’étude, ainsi que les enjeux sociétaux et les perspectives de valorisation (et éventuellement de protection) associés.
12h05-12h30 : Léopold BARBIER (Docteur en géographie et aménagement, Université de Lorraine, LOTERR, et Université Sorbonne Paris Nord, PLEIADE), Mark BAILONI (Maître de Conférences en géographie, Université de Lorraine, LOTERR), Camille MEPLAIN (Doctorante, Université de Lorraine, LOTERR), Pierric CALENGE (PRAG, doctorant, Université de Lorraine, LOTERR), Anne MATHIS (Chercheuse associée, LOTERR), Simon EDELBLUTTE (Professeur de géographie, Université de Lorraine, LOTERR), Denis MATHIS (Maître de Conférences en géographie, Université de Lorraine, LOTERR) : « Mise en spectacle et stratégies d’acceptabilité des activités minières, l’exemple de Kiruna (Suède) »
Résumé :
Avec la contestation de plus en plus systématique des conséquences de l’extractivisme, les compagnies minières développent des stratégies d’acceptabilité. À Kiruna, en Suède, les activités et les paysages miniers sont mis en spectacle et de nouveaux récits sont écrits.
En août 2025, le déplacement spectaculaire de l’église de l’ancienne vers la nouvelle Kiruna constitue un chapitre important du géorécit de l’entreprise minière LKAB. En effet, depuis 2004, les déformations et les effondrements du versant provoqués par les activités de la mine de fer menacent le site originel de la ville. L’immense graben en formation conduit LKAB à déménager la ville et ses habitants. Le paysage minier de la ville-usine, capitale du Lappland suédois, est perturbé, par l’ampleur des bouleversements. Depuis cette époque, LKAB aménage, utilise et mobilise différents éléments paysagers pour rendre acceptable les conséquences de l’extractivisme dans la région. Elle organise une politique d’images en mettant en scène :
- la mine en activité, grâce à un musée-centre d’interprétation aménagé à 500 m de profondeur, dans d’anciennes galeries ;
- le géosymbole du sommet du Kiirunavaara (mine actuelle) ; – le géosymbole du sommet Luossavaara. Cette ancienne mine à ciel ouvert fermée en 1967 a été réaménagée à partir de 2011. Les versants retalutés ont été réaménagés en pistes de ski, en sentiers pédagogiques, en sites d’activités de plein air. Enfin au piémont de la montagne excavée, un observatoire a été aménagé afin d’observer le Kiirunavaara, les reliefs créés par l’exploitation minière et les paysages miniers actuels insérés dans les espaces naturels environnants, avec le Kebnekaise en toile de fond ;
- le déplacement de l’église, mais aussi d’autres bâtiments remarquables de la ville (y compris des éléments de patrimoine minier), exposés aux déformations du sol ;
- les démolitions des éléments non déplaçables ou jugés peu remarquables et la restauration des espaces de démolition ;
- la ligne de chemin de fer vers Narvik et le récit du « wagon d’or ». Plus encore, elle construit une nouvelle ville ex-nihilo, aux allures de ville modèle du XXIe siècle mondialisé, loin de l’image d’une ville née de la mine.
Ce paysage minier et urbain, né de l’extractivisme, s’inscrit dans un dialogue complexe entre une mise en valeur de paysages miniers (extraction, espaces déchets) et fabrique de la ville. L’éclairage donné au récit pionnier de la transformation écologique et environnementale de la ville-usine permet ainsi de minorer les conséquences de l’extraction et des effondrements.
Cette communication, proposée par une équipe de chercheurs du LOTERR travaillant, par des approches méthodologiques complémentaires, sur les territoires et les paysages industriels et miniers, entend montrer cette mise en spectacle de la mine et des reliefs qu’elle crée, comme stratégie pour faire accepter l’extraction minière et ses conséquences, c’est-à-dire ici le déplacement d’une ville.
12h30-14h15 : Pause déjeuner
14h15-14h40 : Ferréol SALOMON (Chercheur CNRS, Laboratoire Image Ville Environnement – UMR 7362 – UNISTRA/CNRS/ENGEES, Strasbourg) : « De la fabrique à la patrimonialisation des paysages culturels deltaïques : une lecture géoarchéologique et géohistorique »
Résumé :
Depuis plus de 5000 ans, les milieux deltaïques se sont mis en place et nombreux sont ceux qui ont été profondément transformés pour l’exploitation de leurs ressources, le commerce ou la gestion des risques, créant des paysages culturels amphibies uniques. Ils révèlent une forte géo-archéodiversité avec des morphologies multiples créées et transformées par l’accumulation et l’ablation de pédo-sédiments et de couches archéologiques qui témoignent d’une co-évolution entre sociétés et environnement.
Les plaines deltaïques sont des laboratoires privilégiés pour étudier l’hybridation des morphologies naturelles et anthropiques. Les approches géoarchéologiques et géohistoriques révèlent comment ont été façonnés des paysages culturels originaux, de la Mésopotamie antique du sud aux villes de l’arc nord-adriatique comme Venise ou aux polders hollandais. Les paysages se composent d’objets aux multiples facettes où la limite entre le naturel et l’anthropique devient floue : des chenaux sont canalisés et des canaux peuvent devenir chenaux, les levées fluviales peuvent se confondre avec des digues, et les sites urbains sont des artefacts tout autant que des systèmes source-to-sink.
Aujourd’hui, ces paysages deltaïques, dont certains sont reconnus par l’UNESCO pour leur valeur patrimoniale (Les Ahwar du sud de l’Iraq : refuge de biodiversité et paysage relique des villes mésopotamiennes ; Ferrare, ville de la Renaissance, et son delta du Pô ; Venise et sa lagune ; Ligne d’eau de défense hollandaise), sont menacés par des risques exacerbés : montée des eaux, érosion fluviale et côtière, salinisation, agriculture moderne, extractions des ressources naturelles, sur-tourisme, pillages ou guerres. Leur préservation exige une compréhension fine de leur histoire, où se mêlent processus naturels et interventions humaines.
L’étude de ces milieux hybrides éclaire les défis contemporains de la patrimonialisation. Elle invite à considérer les deltas comme des systèmes dynamiques multiformes, où la mémoire des paysages peut nous aider à mieux valoriser et préserver ces socio-écosystèmes aux équilibres fragiles.
14h40-15h05 : Rémi de MATOS-MACHADO (Maître de Conférences en géographie et géomatique, Sorbonne Université, UR Médiations : sciences des lieux, sciences des liens), Tia ASSAN (étudiante en L3 de géographie et aménagement, Sorbonne Université), Viktor KOZAK (étudiant L3 de géographie et aménagement, Sorbonne Université) : « Polémoformes des conflits contemporains : vers un inventaire assisté par IA »
Résumé :
L’usage de l’intelligence artificielle dans les méthodes de cartographie ouvre de nouvelles perspectives pour l’étude archéo-géomorphologique des reliefs induits par les conflits contemporains. Ce travail vise à développer des outils d’inventaire automatisé de ces vestiges de guerre, à partir des données LiDAR HD de l’IGN. L’objectif est de constituer un inventaire à large échelle de ces polémoformes, encore inscrites dans les paysages du front occidental, en faisant appel aux techniques d’apprentissage profond. Deux bases de données d’apprentissage ont été constituées à cette fin. La première base est destinée à un modèle de segmentation sémantique de type U-Net, conçu pour la reconnaissance automatique des réseaux de tranchées, et intègre environ 1000 km de linéaires annotés. La seconde alimente un modèle de détection d’objets de type YOLO (You Only Look Once), dédié à la reconnaissance des vestiges de baraquements. Elle regroupe 1730 structures annotées. Les zones d’étude couvrent plusieurs secteurs représentatifs du front de l’Ouest : Pas-de-Calais, Somme, Marne, Moselle, Meurthe-et-Moselle et Vosges. Les données proviennent des modèles numériques de terrain (MNT) produits par la campagne LiDAR HD de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), retravaillés pour isoler les polémoformes des bruits topographiques naturels. Les résultats de l’entraînement des deux modèles sont encourageants et montrent que cette approche peut réellement faciliter l’inventaire automatique des traces liées à la Grande Guerre. Les deux méthodes parviennent à reconnaître les structures dans des environnements complexes (bois et/ou versants), confirmant la solidité de la technique employée. À terme, la couverture complète du territoire en données LiDAR permettra d’envisager une cartographie plus systématique et homogène de ces vestiges, offrant une vision renouvelée de l’organisation du front et des marques laissées par le conflit dans le paysage. Au-delà de l’aspect technique, ce projet invite à réfléchir à l’évolution des pratiques de recherche à l’heure des outils numériques. Loin de remplacer l’expertise des chercheurs, ces méthodes d’analyse assistée viennent plutôt l’enrichir en augmentant les capacités d’observation, de comparaison et de traitement des données, tout en permettant d’aborder des territoires plus vastes. L’annotation manuelle reste une étape essentielle car elle assure la justesse de l’interprétation archéologique et la fiabilité des résultats produits. En outre, l’inventaire assisté par IA ouvre des perspectives inédites pour la connaissance et la conservation du patrimoine, en rendant possible une observation plus systématique et reproductible des paysages marqués par les conflits.
15h05-15h30 : Ottone SCAMMACCA (Chercheur en géosciences, BRGM, Cayenne), Arnaud HEURET (Enseignant-chercheur, Geosciences Montpellier, CNRS, Université de Montpellier et Université de Guyane, Cayenne) : « Géomorphodiversité anthropique de Guyane française : dégradation environnementale ou géopatrimoine ? »
Résumé :
L’être humain laisse des empreintes sur son environnement. La géodiversité est, dans ce sens, témoin de l’histoire naturelle mais également humaine de notre planète. Notre civilisation a été bâtie par l’utilisation continue de la géodiversité et la mise en place de techniques et approches visant à l’exploiter, se l’approprier, la transformer, l’aménager aussi la protéger. L’exploitation de minerais, l’excavation de terres, l’activité agricole et les terrassements, la construction de nécropoles, les guerres ont contribué à façonner les paysages que nous connaissons aujourd’hui.
Cette observation reste vraie pour des zones parfois identifiées comme « vierges » ou « primaires ». En région amazonienne, la Guyane française abrite de nombreux exemples de l’impact ancien et contemporain de l’activité humaine sur le paysage, illustrant de manière parfois spectaculaire les relations entre sociétés humaines et géodiversité guyanaise. Ces activités ont évolué continuellement pour s’adapter aux contraintes imposées par l’organisation naturelle du paysage. Sur les terres hautes du socle paléoprotérozoique on retrouve les vestiges d’anciennes « montagnes couronnées », tandis que la zone littorale quaternaire, a été localement aménagée en alignements de monticules appelés « champs surélevés » permettant la culture des sols du littoral tout en réduisant les excès d’eau et les carences en éléments nutritifs.
Si ces deux exemples sont d’époque précolombienne, plus récemment, des tentatives de cultiver le littoral, souvent constitués de sols salés et à sulfures, ont vu le jour grâce à la mise en place de nombreux polders le long des lignes de côte guyanaises. Plus récemment encore, pour assurer l’alimentation en électricité de l’une des populations à la croissance démographique les plus importantes de France, le tracé hydro-géomorphologique du fleuve Sinnamary a été modifié et des hectares de forêt ont été inondés, dans le courant des années 1990, pour construire le barrage hydro-électrique de Petit Saut, laissant la place au lac – artificiel – du même nom.
15h30-15h55 : Fabien Hobléa (Maître de Conférences-HDR, UMR EDYTEM CNRS-USMB), Laurent Astrade (Maître de conférences, UMR EDYTEM CNRS-USMB), Xavier Bodin (Chargé de Recherche, UMR EDYTEM CNRS-USMB), Hugo Burnet (Doctorant, UMR EDYTEM CNRS-USMB), Jean-Jacques Delannoy (Professeur émérite, UMR EDYTEM CNRS-USMB), Philip Deline (Maître de Conférences émérite, UMR EDYTEM CNRS-USMB), Julien Jacquet (Doctorant, UMR EDYTEM CNRS-USMB), Stéphane Jaillet (Ingénieur de recherche, UMR EDYTEM CNRS-USMB), Florence Magnin (Chargée de recherche, UMR EDYTEM CNRS-USMB), Ludovic Ravanel (Directeur de recherche, UMR EDYTEM CNRS-USMB) : « Les modelés anthropiques des versants alpins : des éléments de la géodiversité et des géopatrimoines montagnards ? »
Résumé :
À partir d’exemples dans les Alpes françaises sont questionnés l’empreinte géomorphologique et le rôle morphogénique des activités humaines dans la topographie et la dynamique des versants de montagne, en considérant les modelés anthropiques comme des formes de dimensions très variables (macro et micro) inscrites dans des substrats naturels (ex. : front de taille en roche massive…) ou des formations superficielles préexistantes (ex. : gravière) ou générées à partir de matériaux bruts (ex. : halde minière).
La réflexion est basée sur plusieurs cas d’étude de terrain s’inscrivant dans deux grands types d’approche :
- Une approche actualiste concernant l’impact morphologique des usages contemporains de la montagne en contexte de changement climatique. L’efficacité des agents morphogéniques à l’œuvre est directement corrélée à l’ampleur des moyens technologiques mécanisés développés par les sociétés contemporaines, offrant des capacités de creusement, de transport et de dépôt générant des macro-formes d’autant plus remarquables dans le paysage qu’elles sont récentes, voire actives et peu retouchées ni oblitérées par l’érosion ou l’altération naturelles. Les déblais-remblais liés à l’aménagement d’infrastructures de transport, de stations de ski et à l’évolution des activités agro-sylvo-pastorales, les excavations tunnelières et liées aux activités extractives modifient ainsi depuis quelques décennies les paysages géomorphologiques alpins de manière spectaculaire. Les effets du réchauffement climatique sur la cryosphère montagnarde, les aléas gravitaires et hydrologiques, nécessitent des travaux de traitement morphogènes touchant à des espaces de haute montagne jusqu’alors très peu anthropisés, voire protégés (Parcs nationaux, réserves naturelles…).
- Une approche géo-archéologique au prisme de l’anthropo-géomorphologie, concernant les modelés liés à des usages anciens et révolus. Les traces géomorphologiques imputables aux sociétés préhistoriques et préindustrielle sur les versants alpins apparaissent beaucoup plus ténues que la génération des formes actuelles. Ces héritages concernent essentiellement l’échelle des micro-formes, inscrites ou construites dans les corniches rocheuses, les abris sous roche et les cavernes. L’ancienneté de ces modelés (plusieurs siècles à plusieurs millénaires) a souvent permis aux processus naturels de les retoucher, les rendant plus difficilement discernables, fondus dans le paysage ou la scène morphologique d’ensemble. Nombre de ces modelés ont jusqu’à peu été confondus avec des objets géomorphologiques naturels, à l’image de certains soi-disant modelés karstiques du sud-ouest du massif des Bauges en Savoie, où ce qui passait pour de simples dolines s’est avéré avoir servi de fours à chaux ou de bas-fourneaux médiévaux.
Les modelés anthropiques révélés par les terrains d’étude alpins, notamment grâce à la télédétection et l’analyse 3D en haute résolution (LiDAR IGN HD classifié, photogrammétrie et lasergrammétrie in situ…), peuvent être considérés comme éléments de la géomorphodiversité et doivent à ce titre avoir une place à part entière dans la taxonomie géomorphologique et la légende de la carte géomorphologique, conduisant à réfléchir à des dénominations et figurés spécifiques.
Qu’ils soient anciens ou actuels, les modelés anthropiques alpins peuvent aussi être porteurs de valeurs géopatrimoniales en tant que marqueurs datables de l’évolution des activités, des usages et des relations homme-milieu en montagne. Inversement, la dynamique morphogénique anthropique peut représenter une menace pour le géopatrimoine naturel ou anthropique hérité.
15h55-16h15 : discussion et synthèse de la journée
François BÉTARD (Professeur de géographie, Sorbonne Université, UR Médiations : sciences des lieux, sciences des liens), Claire PORTAL (Maître de Conférences en géographie, Université de Poitiers, Laboratoire MIMMOC – UR 15072), Théophile PIAU (Docteur en géographie, Université Paris Cité, UMR 8586 PRODIG) :
16h15-16h25 : Edith FAGNONI (Professeure de géographie, Sorbonne Université, UR Médiations, sciences des lieux – sciences des liens, membre associée de l’EIREST Université Paris1 Panthéon-Sorbonne, et Présidente de l’Association de Géographes Français) : mots de conclusion et clôture de la journée.